Langue originale :
Arabe
Date de publication :
1912
Traducteur : Joël Colin
Commentaire
La première fois que j’ai lu l’œuvre de Gibran c’était
en langue française traduit par Joël Colin. J’étais captivée par le
style et transportée dans un monde magique de mots et d’expressions qui
ensorcellent l’esprit et chatouillent l’âme.
Le charme qui a rempli mon cœur à la fin du roman, m’a poussé à préparer des extraits afin de
les partager avec les lecteurs du blog. Un jour, lorsque j’étais en train de
préparer mon commentaire, mon beau frère m’a demandé mon avis sur le roman, je
lui ai répondu que Gibran était un magicien de style. Il m’a dit alors que si
c’est le style en français qui m’a plu, c’est dû au talent du traducteur. Selon
lui, c’est grâce à ce dernier que le roman soit aussi captivant que dans sa
version originale. Dès lors, il serait injuste de ne pas mentionner son nom et
saluer son effort dans le recueil des extraits que je vais publier.
Franchement, cela m’a poussé à réfléchir sérieusement sur le sujet. J’ai décidé
alors de lire quelques pages du roman en arabe et je suis arrivée à la
conclusion suivante : Il est certain que le talent de Gibran est
indiscutable, son style en arabe est fabuleux et personne ne peut nier que lui
seul est le créateur de ce chef d’œuvre littéraire. Cependant, nul ne pourrait
nier aussi que la traduction était bonne et a sauvegardé la qualité et le
charme du roman.
Extraits et citations
La nature
Le mois de Nisan, le mois d’avril, avait fait renaitre la végétation. Les fleurs et les herbes poussaient dans les jardins de la ville tels des secrets que la terre révélait au ciel. Les amandiers et les pommiers parés de leurs robes blanches et parfumées apparaissent entre les maisons, semblables à des nymphes vêtues de pureté que la nature aurait données pour fiancées et pour épouses aux fils de la poésie et de l’imagination.
Beyrouth au printemps est plus belle qu’aux autres saisons. Ni les boues hivernales ni la poussière estivale ne l’affectent. Après que les pluies sont passées et avant que la chaleur ne soit venue, Beyrouth est comme une jolie femme qui s’est lavée aux eaux de la rivière et qui, assise sur la berge, sèche son corps aux rayons du soleil.
La femme
Certes la civilisation actuelle a mis quelque peu en valeur l’intelligence féminine mais, par la propagation de la cupidité de l’homme, elle a fait croître ses souffrances… elle était une aveugle qui marchait dans la lumière du jour ; maintenant elle voit mais marche dans les ténèbres de la nuit.
Viendra-t-il le jour où se réuniront dans la femme la beauté et l’instruction, le raffinement et la vertu, la fragilité du corps et la force de l’âme.
Si la femme progresse dans un domaine et régresse dans un autre, c’est parce que les chemins par lesquels nous cherchons à parvenir au sommet de la montagne ne manquent ni de repaires de brigands ni de tanières pour les loups.
Mais la faible femme n’est-elle pas le symbole de la nation opprimée ? la femme qui souffre, prise entre les penchants de son âme et les entraves de son corps, n’est-elle pas comme la nation torturée entre ses gouvernants et son clergé ?
La situation de la femme dans la nation est celle du rayon que diffuse la lampe : ce rayon de lumière serait-il faible si la lampe n’était pas parcimonieuse de son huile ?
La beauté
La beauté est un mystère au contact duquel nos âmes se réjouissent : elles le comprennent et s’épanouissent sous son influence alors que nos pensées s’élèvent devant lui, indécises, essayant de le définir et de l’incarner dans des mots… sans jamais y parvenir.
Les traits qui laissent voir les secrets de l’esprit apportent au visage de la beauté et du charme, quelque pénibles et douloureux que soient ses secrets. Quant aux visages qui, mutiques, n’expriment pas le tréfonds de l’âme et ses mystères, ils n’ont pas de beauté, même s’ils sont harmonieux et ont des traits réguliers.
Le cœur et les sentiments
Le cœur, avec ses sentiments complexes, ressemble au cèdre dont les branches se ramifient : le cèdre qui perd une branche vigoureuse souffre mais ne meurt pas ; il transfère en fait sa force vitale vers une branche voisine qui croît, s’élève, et de ses ramifications nouvelles occupe la place de la branche coupée.
Je me résolue au silence car les sentiments profonds et infinis perdent quelque chose de leur spiritualité quand ils s’incarnent dans les limites que les mots leur imposent.
Ainsi la transformation de nos sentiments modifie-t-elle la perception de ce que nous avons sous les yeux. Ainsi imaginons-nous les choses charmantes et belles alors qu’en fait il n’y a de charme et de beauté qu’en nous-même.
La jeunesse et la vieillesse
La jeunesse a des ailes dont les plumes sont faites de poésie et les nerfs d'illusions, des ailes qui élèvent les jeunes gens au-delà des nuages… d'où ils écoutent la vie chanter la Gloire et la Magnificence. Mais ces ailes poétiques ont tôt fait d'être déchirées dans la tourmente de la vie et de s'abattre sur le monde de la réalité.
Les personnes âgées aiment à revenir en pensées au temps de leur jeunesse comme l’étranger nostalgique aime à revenir au pays natal ; elles sont enclines à conter leurs histoires d’enfance comme le poète incline à réciter ses vers les plus éloquents ; elles vivent par l’esprit dans un passé révolu car le présent passe à leur côté sans qu’elles puissent le retenir cependant que le futur apparaît à leurs yeux orné des brumes du déclin et des ténèbres de la tombe.
Il me regardait à la manière d’un grand arbre dont les branches remplies des fruits des saisons couvrent un arbrisseau plein d’une énergie assoupie et d’une vitalité aveugle : un vieil arbre chargé d’années, bien enraciné, qui a fait l’expérience de l’été et de l’hiver de la vie, qui s’est dressé face à la tempête et à la tourmente du temps ; un arbrisseau fragile et tendre qui ne connaît d’autre saison que le printemps, qui n’a jamais tremblé que sous la brise du matin.
Chaque chose grande et belle dans ce monde naît d’une simple idée, d’une simple émotion chez un être humain. Chaque élément de ce que nous voyons des réalisations des siècles passés était, avant son apparition, une idée que recelait la sagacité d’un homme …
Ambition
Le papillon, qui vole autour de la chandelle jusqu’à se brûler les ailes, est plus céleste que la taupe qui vit paisiblement dans ses galeries obscures.
Rachida KHTIRA
Software engineer at the Moroccan Ministry of
Finance.
Interests: Reading, travel and social activities.
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